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Zone Fantastique
10 septembre 2010

L'Exorciste, la suite: petit classique, grosse trouille

l_exorciste__la_suiteL'Exorciste, la suite
                                                                          de
                                                                 William Peter Blatty
                                                                         (1990)

Interprètes: George C. Scott, Brad Dourif, Jason Miller, Scott Wilson...
Scénario: William Peter Blatty
Dir. Photographie: Gerry Fisher
Montage: Todd C. Ramsey
Musique: Barry De Vorzon

Avant de découvrir Le Dernier Exorcisme, retour sur cette suite presque aussi maudite que celle orchestrée par John Boorman.

Petit récapitulatif: 1973, sort sur les écrans L'Exorciste dirigé par William Friedkin, tiré d'un best seller de William Peter Blatty, qui adapte lui-même son roman inspiré d'un "authentique cas de possession" qui serait survenu dans les années 50. A partir de l'histoire simple d'une jeune fille possédée par le diable, le réalisateur signait une œuvre phare, sans doute le plus grand film d'horreur de tous les temps, par sa puissance d'effroi, par sa manière de synthétiser tous les types de peurs: celles venues de l'enfance, la suggestion, la répulsion, la perte d'un proche, la peur de la mort. Le plus grand aussi par sa richesse thématique, déployée tout au long d'un scénario implaccable qui aborde autant la question de la foi, de la nécessité du mal, du deuil que celle de la famille, de la science opposée à la religion, de l'archaïsme offrant au passage une vision métaphorique de l'Amérique des 70's tiraillée par un mal intérieur. Un classique instantané, dont le vision,age constitue aujourd'hui encore une expérience éprouvante, et c'est l'un des rares films (le seul?) à conserver vision après vision son pouvoir de terreur quasi intact.
Immense succès mondial, le chef d'oeuvre de Friedkin appella ses producteurs à mettre en chantier une suite qui ne s'imposait pas. John Boorman qui avait refusé de mettre en scène le premier, accepte de s'atteler à cette lourde tâche, ne cachant pas au passage son mépris pour le film originel. Ce qui le conduit à livrer une séquelle qui se voulant plus profonde, ne fait qu'alourdir les thèmes mis en exergue par le précédent, dans une imagerie new age assez kitsch et avec un rythme pesant. L'échec retentissant de L'Hérétique annula a priori la production d'un troisième opus.
Jusqu'en 1990, année où William Peter Blatty parvient à convaincre la Warner de le laisser adapter lui-même la suite direct de son roman, Légion (titre américain de cette suite). L'Exorciste, la suite, comme l'indique son titre français, ne tient pas compte du travail de Boorman, délaisse New York et les questionnements métaphysiques de comptoir pour réinstaller son intrigue à Georgetown, 15 ans (17 ans dans la réalité) après les événements du premier opus. Un tueur en série au rituel spécifique de de décapitation et de crucifixion sévit dans la paisible banlieu de Washington. Chargé de l'enquête, l'inspecteur Kinderman qui avait été témoin du drame de la famille Mc Neil, ne tarde pas à découvrir que le tueur reprend le modus operandi du Gémeau, un serial killer pourtant exécuté 15 ans plus tôt. Et il se pourrait qu'un lien unisse cette étrange affaire à l'exorcisme de Reagan Mc Neil.

L'Exorciste, la suite, est souvent considéré comme un navet, ce bien qu'il ait quelques fans acharnés tels que Christophe Lemaire, ancien de Starfix, critique attiré de Rock'n'Folk. Cependant le long métrage de William Blatty, bien moins insupportable que celui de Boorman, a légèrement usurpé sa réputation. Plutôt que de nanar, il s'agit davantage d'un film malade, tiré vers le bas par des défauts qui sautent aux yeux, sans cesse rattrapé par des qualités évidentes. Et surtout ce qui le distingue des tas de mauvais films qui polluent le cinéma fantastique, c'est qu'il fait peur, parfois même très peur.
Etrangement, les lacunes de ce troisième volet, sont d'ordre scénaristique (Blatty est romancier, scénariste confirmé notamment de comédies). D'abord remarquable dans sa manière de poser un mystère, d'installer ses personnages, le scénario se révèle vite mal écrit, peinant justement à dépasser cette introduction, ce qui débouche sur un rythme mollason qui ne s'accélère que sur la fin avec des révélations amenées coup sur coup, donnant un côté précipité à la dernière partie et à l'ensemble du film un aspect anarchique, déséquilibré, à des années lumières de la concision dramatique du Friedkin. Par ailleurs on soulignera quelques invraisemblances, comme l'amitié qui aurait lié Kinderman à Damien Karras tout simplement absente du premier film (à moins que cette relation ne soit dans le roman originel), ou la réapparition d'un personnage secondaire dans le dernier tiers, sans que celui n'ait été présenté auparavant comme un acteur important de l'histoire.  A cela s'ajoute des parenthèses mystiques embarrassantes, proches du kitsch à l'image de cette statue du Christ ouvrant les yeux, de ce rève baroque, pas loin du ridicule, où des anges attendent dans un hall d'hôpital gigantesque, antichambre du paradis, qui se veut probablement une réminiscence du cauchemar du prête dans l'original. Cette imagerie pieuse, ouvertement chrétienne, avec ses portes de l'Enfer qui s'ouvrent sous les pieds des pécheurs, apparaît grandiloquente, déplacée au regard de l'ambiance poisseuse que déroule le film en parallèle. Incapable d'harmoniser ces deux esthétiques, ou de les enchevêtrer, Blatty paraît livrer un long métrage inachevé, indécis, trop plein et bancal à la fois.
Mais là où cette suite surprend, c'est dans les aptitudes à la mise en scène de l'écrivain. Sans atteindre l'intensité de celle de William Friedkin (qui en serait capable d'ailleurs?) sa réalisation surprend par sa précision et son ampleur. Les travellings dans l'hôpital, où se déroule une majeure partie de l'intrigue, créent une vraie tension, et donnent aux lieux un fort pouvoir de menace, tandis que certains plans mémorables distillent la peur avec une notable économie de moyens. Ainsi cette apparition surgissant d'un couloir pour saisir une infirmière, filmée en plan fixe large. Et des moments d'angoisse comme ça, le film en compte plusieurs, souvent marquants. Tout le dialogue où Kinderman (George C. Scott reprend avec talent le rôle tenu par Lee J. Cobb, décédé) explique au père Dyer, comment a été tué la première victime, est d'une puissance de suggestion impressionnante. Ces passages éprouvants, qui émergent en dépit de la construction maladroite du script, instaurent un climat de terreur pesant tout au long du visionnage. La figure du tueur en série qui passe de corps en corps constitue l'un des atouts de troisième volet. Cette idée que lui volera plus tard le pas terrible Témoin du mal, installe un climat paranoïaque qui préside à la deuxième partie du film, construite autour de la confrontation entre Kinderman et le meurtrier démoniaque. Brad Dourif par sa présence, son jeu d'acteur, notamment sa diction, fait du Gémeau une inquiétante figure du mal. Les séquences qui l'opposent dans sa cellule capitonnée, à Georges C. Scott sont intenses, baigant dans une ambiance oppressante, claustrophobe à souhait, réhaussée par la photographie de Gerry Fisher qui s'ingénie à créer des zones d'ombres sur le visage du tueur dont on ne sait jamais quels traits il va adopter. Ce travail du réalisateur sur le doute, l'impression, nourrit la peur émanant de son oeuvre. L'horreur ne semble jamais loin, on scrute les yeux des malades à l'hôpital cherchant le démon tapit dans un regard, les pièces vides paraissent abriter une présence malfaisante toujours à l'affût, prête à surgir... Une scène simple: Kinderman est chez lui, la nuit, il vient de voir le Gémeau dont on sait qu'il peut posséder n'importe qui. Arrive alors sa fille, venue chercher à boire dans le frigidaire. Sa démarche lente a quelque chose du zombie, ses longs cheveux noirs masquent son visage, sa robe de chambre rappelle furieusement celle de Reagan. On redoute dès lors, l'instant où elle va tourner la tête, montrer son visage. Elle s'avance, salue son père. On craint toujours l'apparition soudaine du démon. Il ne se passe rien, elle retourne se coucher. Ce passage pourtant est vraiment éprouvant, preuve que le réalisateur est parvenu à installer un climat de menace constante.
A dire vrai les rares moments où Blatty cinéaste s'égare pour de bon, sont ceux où il cherche à rattraper le premier opus, lorsque vient l'exorcisme, vite avorté, imposé par les producteurs, infiniment en dessous de celui mis en scène par Friedkin, handicapant un final chaotique, au reste peu convaincant. Reste donc en définitive un long métrage de terreur qui en dépit de ses égarements, de ses failles scénaristiques, reste très effrayant. A redécouvrir.

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