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Zone Fantastique
4 octobre 2010

Martyrs, seul contre tous

UnknownMartyrs 
de 
Pascal Laugier 
(2008)

Interprètes: Morjana Alaoui, Mylène Jampanoï, Catherine Bégin...
Scénario: Pascal Laugier
Dir. Photographie: Nadine Brassard
Montage: Sébastien Prangère
Musique: Alex et Willie Cortès


Après avoir été torturée lors de son enfance pour des raisons mystérieuses, Lucie (Mylène Jampanoï) devenue adulte, retrouve ses présumés anciens bourreaux après un séjour en hôpital psychiatrique. Il s'agit d'une famille bourgeoise, en apparence inoffensive, qu'elle abat sans sourciller. Avec l'aide d'Anna , son amie d'enfance rencontrée lors de son internement, elle se débarrasse des corps. Les choses auraient pu en rester là, si ce pavillon isolé n'abritait pas une terrible menace, dont Anna fera les frais. 

Martyrs n'a pas vraiment profité de sa temporaire interdiction aux mineurs. En plus de son échec public, le second film de Pascal Laugier aura essuyé de nombreuses critiques assassines, la plupart relativement fainéantes, ne prenant jamais le temps d'analyser le travail du réalisateur (excepté Libé, Mad Movies, Brazil et Positif) ou simplement de laisser poindre ses qualités. On retrouvait ainsi les habituelles accusations accolées à un certain cinéma violent: complaisance, gratuité, vacuité du propos, des termes tellement usités qu'ils se sont progressivement vidés de leur sens. Alors bien entendu, et cela a été souvent souligné le cinéma de genre Français se cherche encore, tente de dépasser ses références et de se créer une identité propre. Ce qui en soit s'avère excitant puisque justement, hormis quelques classiques indéboulonables tels que Les Yeux sans visage, il reste un fantastique, une horreur francophone à inventer, la recherche de la forme qui fera le prix de ces œuvres étant en elle-même stimulante. Ce qui n'excuse bien entendu en rien les ratages évidents que sont Promenons-nous dans les bois ou le plus récent Mutants. 
Et Martyrs d'ajouter sa pierre à l'édifice. Une partie de la critique s'est acharnée sur Martyrs, le public l'a fui? L'une des plus qualités du film est justement de ne pas chercher à se faire aimer. Fabrice Du Welz ami proche de Laugier parle d'une œuvre "faite contre tout le monde", et le moins qu'on puisse dire c'est que Martyrs joue jusque dans esthétique, blafarde et dominée par le motif de l'acier, la carte de l'inconfort. Loin de la beauté que peut avoir un film d'horreur gothique, Pascal Laugier baigne son long métrage dans une atmosphère clinique et dépressive "comme une idée de l'occident qui s'effondre" explique t-il, citant le Argento de Ténèbres, auquel il emprunte sa lumière crue. L'univers du conte subit cet effondrement, la sorcière qui poursuite les héroïnes ressemble à une plaie humaine, l'orphelinat où se rencontrent les deux fillettes est misérable, tout prosaïque, tandis que la bâtisse de Hensel et Gretel devient un pavillon bourgeois ordinaire, avant de se muer en hôpital-abattoir, vide et métalliqiue, glaçant à souhait. Le plan montrant Milène Jampanoï fusil de chasse à la main montée sur le lit d'une gamine sur laquelle elle vient de tirer, entourée des plumes de lit qui retombent, est évocateur de cette logique de l'effondrement, l'onirisme se dissipe écrasé par une réalité sinistre. Un travail formel qui révèle outre l'état d'esprit de Laugier au moment de l'écriture ("j'étais dans un état d'innocence et d'apitoiement extrême sur moi-même, comme dans un deuil impossible") une réelle intention de mise en scène, toute entière portée vers une vision sèche de la violence. Ce qui débouche sur un résultat éprouvant, rendant presque palpable les mutilations qu'endurent les deux personnages principaux. Lorsque débute la seconde partie du film, axée sur les sévices corporels infligés à l'héroïne campée par Morjana Alaoui, le film change d'énergie. A l'hystérie de la vengeance, se substitue la durée de la torture, la répétition, mais le traitement reste toujours aussi direct. A la différence des Hostel, aucune tentative de rendre cela fun, ni d'introduire du suspense,très vite on comprend que le voyage d' Anna sera sans retour, que son amour pour Lucie, la conduit à prendre sa place, et à renoncer à la vie. En cela Martyrs est chargé d'un romantisme noir, en opposition avec son visuel froid qui exclut toute notion de sentimentalité. Et là apparaît l'un des points faibles du film, la manière dont le réalisateur traite cet aspect manque de finesse, d'aboutissement, une voix off lourde vient souligner la relation qui unissait les deux personnages, et une musique fleur bleue à base d'arpèges de guitares pop en rajoute un peu plus. Jamais ce romantisme ne parvient à trouver solidement sa place dans l'univers du film, il est là, en latence, trop esquissé, à l'image de ce baiser (venu sur le moment paraît-il) donné du bout des lèvres. Cette antinomie entre la passion amoureuse et l'univers clos et aseptisé des tortionnaires auraient dû l'une des artères du film, mais elle reste sous-exploitée. Malgré tout cette idée invalide la critique d'une œuvre dénuée de propos. Et justement là, où Pascal Laugier prend des risques, puis dérape, c'est justement lorsqu'il livre la clef des agissements de cette étrange organisation, qui cherche dans la transfiguration censé émergé du martyr la réponse à ce qui se trouve après la vie. Une nouvelle fois les dialogues pêchent par leur lourdeur, l'échange entre Mademoiselle et Anna s'avère trop lourdement explicatif, assez mal écrit. Viennent ensuite ces images d'un tunnel blanc, évoquant l'au-delà, des images logiquement hermétiques, quoique terriblement kitsch, qui tirent un peu plus le film vers le bas. Malgré tout, il faut reconnaître au réalisateur son courage. Là où d'autres suivant le modèle théorico-didactique de Funny Games se seraient contentés d'une violence inexpliquée laissée à l'appréciation du spectateur afin de le responsabiliser en tant que témoin, lui ose ce tour narratif, audacieux bien que trop mal amenée pour convaincre. 
On ne reviendra pas trop non plus sur le jeu pas très fin de Jampanoï, ni sur l'ensemble des dialogues décidement indigents. En l'état après un Saint Ange terriblement mauvais, Martyrs, laisse entrevoir le talent, notamment visuel de Pascal Laugier et l'on peut espérer le voir signer un jour un long de métrage de genre important. 

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