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Zone Fantastique
12 septembre 2010

Le Dernier Exorcisme

UnknownLe Dernier Exorcisme

de

Daniel Stamm

Scénario: Huck Botko, Andrew Gurland

Avec: Patrick Fabian, Ashley Bell, Iris Bahr, Caleb Landry Jones, Louis Herthum...

Photographie: Zoltan Honti 

Montage: Shilpa Khanna

Musique: Nathan Barr

 

 

  Par la pratique d'exorcisme truqué, le révérend Cotton Marcus a longtemps pensé pousser les habitants très religieux du Sud des Etats-Unis à se concentrer sur leurs vrais démons tels l'alcool ou la violence. Lorsque sa démarche produit des émules conduisant à des drames, notamment celles d'enfants tenus pour possédés, il décide de réaliser un documentaire démystificateur, révélant tous ses trucs. Il se rend donc à une ferme accompagné du caméraman et du preneur de son, afin de délivrer une jeune fille, Nell, du démon qui la posséderait. Cotton ne tarde pas à se rendre compte que cette fois-ci le cas pourrait bien relever d'une vraie possession démoniaque... 

 

  Relancé par le joli succès du Projet Blair Witch, véritable phénomène médiatique dont on peut contester la réussite artistique, et entériné dix ans plus tard par REC, Cloverfield et dernièrement par Paranormal Activity, la vague des films d'horreur à la première personne ou en caméra subjective, accueille ici son rejeton le plus libre. Le Dernier Exorcisme, ne fait pas de ce mode de filmage particulier un événement, ni un moteur promotionnel. Jamais il ne se présente comme un film retrouvé, par la police ou toute autre autorité, constante établie par le film de Merrick et Sanchez, reprise dans ceux de Matt Reeves et Oren Peli, ou comme le récit en direct d'un drame à la manière de l'oeuvre de Jaume Balaguero. Le scénario donne un motif crédible à ce faux documentaire, à savoir l'envie du révérend Marcus de se racheter suite à des accidents engendrés par sa démarche. A partir de là, et même si Daniel Stamm renoue à plusieurs moments avec les figures imposées de ce sous-genre (caméra qui tremble, action illisible lors de séquences de panique, reflets de la caméra, coupes au noir...), il n'en retient que l'aspect vériste qu'il confère aux images (le vieux sud apparaît tout de suite tangible) et comme une manière de coller au plus près des personnages, et surtout au héros. La forme du faux documentaire, permet à ce titre de dépeindre Cotton Marcus sous un jour relativement complexe via un système d'entretiens croisés. Toute son ambivalence se dessine dans les quinze premières minutes, on se  trouve en présence  d'un charlatan, agnostique (il ne croit pas au Diable) au cynisme contre-balancé par sa volonté sincère de bien faire. Conscient de l'importance de la religion en Louisiane il décide de l'employer afin de soigner les maux bien triviaux de ses habitants. Un portrait en demi-teinte qui permet aux spectateurs de s'attacher à ce personnage, par ailleurs bon père de famille, et de vivre les événements avec la fois le sourire aux lèvres quand se profile le glissement vers le surnaturel et contre lui, heureux de voir l'arroseur arrosé, tout en tremblant pour lui, à ses côtés. L'introduction autour de la manipulation exercée par le protagoniste pose également le fond du scénario, qui se situe à la fois dans un regard assez dur sur l'engluement du Sud dans la religion, où les dérives de la foi (les réactions du père face à la "possession" de sa fille sont éloquentes) cachent mal les réels problèmes d'illettrisme, de manque d'ouverture sur le monde. La démarche de Cotton apparaît logique, se battre sur le terrain de la foi, prolonger le mensonge pour tenter de mettre à jour une vérité. Faire semblant d'entendre la voix de Dieu et prodiguer un conseil humain "arrêter de boire et le démon partira", par exemple. La séquence très drôle du faux exorcisme illustre cette méthode discutable aux intentions louables. Dans un montage parallèle édifiant on voit Cotton dans la chambre se livrer au rituel entre des plans où il explique ses secrets digne d'un prestidigitateur. L'irruption du surnaturel, ou du moins de l'imprévu, du vrai détraquement de Nell, vient brouiller les pistes. Le personnage central, voit ses convictions vaciller et il se trouve pris à son propre jeu lorsque Louis le père de la gamine lui soumet une sorte d'ultimatum ou il exorcise sa gamine, ou lui,il se débarrasse d'un bon coup de fusil. L'enlisement de Cotton dans son propre mensonge, devenu incontrôlable, crée un suspense solide qui se déroule durant toute la seconde partie, où la vérité telle que la perçoit le héros vacille. L'intelligence du scénario est de livrer des manifestations inquiétantes, certaines difficilement rationalisables  telles que ses dessins prémonitoires, les cris de bébé, sans jamais écarter complètement une hypothèse cartésienne. L'incertitude concernant l'état de la jeune fille entre en résonance avec le propos du film, puisqu'après les coulisses d'un mensonge, on se retrouve dans le doute, entre les deux, incapables de se raccrocher à une vérité. La superstition dont on riait dix minutes plus tôt, effraie à présent, on en vient à partager avec Cotton et l'équipe de tournage la peur des autochtones. Par un beau travail d'écriture et de mise en scène, Daniel Stamm renvoie tour à tour dans les cordes, et les sudistes aveuglément religieux, et l'exorciste de pacotille confronté à quelque chose qui le dépasse. Dès lors Le Dernier Exorcisme, dès le début de son second acte est parvenu à introduire au sein de son intrigue horrifique un vrai fond, chose que tentait vainement REC, avec ses interludes sociaux sur les habitants de l'immeuble, incapable de dépasser sa condition (fort jouissive cependant) de montagnes russes horrifiques. D'autant, que bien la possession soit l'hypothèse la plus forte, la plus excitante pour le public, le cinéaste parvient dans cette dégradation de la situation à entretenir le doute. Après tout les contorsions de Nell pourraient être des manifestations de graves problèmes psychiques, liés peut-être à un inceste paternel.  Ce basculement du film, offre de beaux moments de tension. Reprenant une idée brillamment mise en pratique dans L'Exorciste, Daniel Stamm fait de la chambre de Nell, souvent fermée à clef, un endroit dans lequel on redoute de pénétrer. Les scènes tournant autour, notamment celle de la conversation entendue à travers la porte, suscite un effroi, qui culmine lorsqu'après avoir perçu du vacarme, l'équipe y entre et ne trouve la jeune fille nulle part. A chaque mouvement d'appareil on redoute ce qui se cache dans le noir. La chute, qu'on taira sans effet spécial, sans roulement de tambour s'avère glaçante, maintenant la tension à son paroxysme. N'hésitant pas à recourir à la musique, jusqu'alors bannie du "documenteur", le cinéaste crée un climat qui fait même accepter les écarts à son procédé. Le preneur de son sans perche entre dans le champ sans micro, le son reste clair? Une incohérence qui pourrait être risible si le film n'était pas parvenu à nous amener à redouter le pire, à trembler pour les personnages. D'ailleurs en fan de Lars Von Triers, Stamm considère ce système de réalisation sans doute sous une forme d'équivalent au dogme, ou du moins, dit-il a pour principal intérêt d'"abolir le quatrième mur", de rendre le spectateur plus proche de ce qu'il voit, la caméra devenant ses yeux plongés dans l'action.   Malheureusement, bien que globalement assez tendu le film, souffre de quelques soucis. La peur promise, au rendez-vous donc, s'étiole vers la fin à mesure que la résolution approche. La tension se relâche un peu, on sort de la ferme, pour un rebondissement un peu grossier, et on y retourne pour une conclusion abrupte, bien que préparée, qui détonne cependant avec le reste. Le script de Huck Botko et Andrew Gurland, jusqu'alors précis, se termine sur un troisième acte offrant une révélation honnête dans le sens où plusieurs indices ont été livrés tout au long de l'intrigue, mais à l'orientation en porte à faux avec le reste du long métrage. Sans trop en révéler, le dernier acte trop court donc, offre une résolution qui se situe dans une imagerie beaucoup trop connotée fantastique pour se rattacher harmonieusement au reste. Comme si le doute travaillé tout du long, était balayé au profit d'une vérité qui semble assénée. Malgré tout avec le recul, cette fin en déséquilibre, porte toujours en elle sa charge satirique contre l'extrémisme religieux aveuglant et maintient le doute, rendu légèrement plus fragile quant au réel problème de Nell.

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