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Zone Fantastique
5 septembre 2010

Revoir Le Village, 6 ans après...

&l

UnknownLe Village 

de 

M. Night Shyamalan

Scénario: M. Night Shyamalan

Avec: Joaquin Phoenix, Bryce Dallas Howard, Adrien Brody, William Hurt, Sigourney Weaver...

Photographie: Roger Deakins

Montage: Christopher Tellefsen

Musique: James Newton Howard

 

  I want to believe. Comme de nombreux spectateurs, accrocs aux précédents exploits du réalisateur, je m'étais senti floué par le virage rationnel entrepris à la fin du Village, moi qui voulait, une oeuvre fantastique de terreur à l'instar de t;em>Signes, et nourrie d'une mythologie neuve. Le twist final, deviné pas mal à l'avance, au détour d'une blague, ayant entériné ma déception. A l'époque, le film avait sonné le premier vrai échec public du réalisateur aux Etats-Unis, et divisé davantage la critique. Il m'a fallu du temps pour revoir le long métrage, pour digérer sa thématique, pas forcément aussi vertigineuse que son carré de fans inconditionnels l'a déclamé, mais bougrement puissante. Revoir le film, aujourd'hui m'offrit l'opportunité de voir ses qualités évidentes ainsi que ses défauts les plus gênants. 

  Le Village se situe à l'exact opposé thématique de Signes. Celui-ci se voulait un appel à la croyance, en la foi quelle qu'elle soit (et non pas seulement catholique), en particulier dans l'irrationnel. Son successeur, invite a contrario à considérer la foi sous son  un jour perverti et par extensions les histoires comme de puissants outils de manipulation, dans la plus pure veine du storytelling. Continuation en un sens de l'orientation post 11 septembre entreprise par son invasion extraterrestre, conclue provisoirement par Phénomènes, Le Village, peut se lire sous la forme d'une fable sur l'isolationnisme américain, ainsi que de son envie de renouer avec un temps mythique d'avant le drame. La démarche politique du cinéaste s'avère louable, d'autant que le passage par le (faux) fantastique débouche selon une tradition établie sur une métaphore de notre temps. Ce propos universel irrigue le film, lui assurant hier tout comme aujourd'hui un noyau solide de fans. L'utilisation du twist final, relève non seulement d'une manipulation en adéquation de sens avec l'histoire, mais aussi d'une manière de réorientée le long métrage, de le remettre sur le droit chemin thématique. On pensait avoir affaire à une oeuvre sur la peur de l'inconnue, éventuellement sur la transgression, on se retrouve désormais avec une fable sur les bonnes intentions et leur part d'ombre, au message politique évident. 

  D'autre part, les aptitudes de raconteur d'histoires du cinéaste restent toujours bluffantes jusqu'à la première révélation. En quelques plans tel celui de la villageoise cachant une fleur rouge, il nous présente les codes régissant ce micro-univers et le danger qui y plane. Ensuite, lorsque viennent les révélations, c'est justement l'histoire qui apparaît fragile. Les thématiques déployées semblent trop lourdes, le récit trop petit pour ne pas les laisser déborder, et se faire écraser par le contenu du métrage. La love story entre Dallas Howard et Phoenix, bizarrement ne tient pas jusqu'au bout, la dévotion, la détresse de la jeune fille (illustrée par le magnifique plan de la jeune femme au bord d'une route moderne) ne résistent pas à l'ampleur du dénouement. Désireux de capter tous les tenants et aboutissements induits par la chute, l'intrigue principale apparaît faiblarde, on s'en désintéresse vite, de même que le rythme du film semble chaotique, tour à tour très lent (passé l'introduction), et ensuite trop rapide (l'arrivée des créatures). Les multiples scènes de dialogues entre les villageois se vivent parfois très mal tant elles traînent en longueur, tant hormis William Hurt, les personnages manquent de force. Malgré tout le film parvient à attirer notre attention, au détour de quelques séquences bien disséminées, celles du tronc d'arbre et de la découverte de l'animal mort au premier chef, ou encore la descente des "monstres" au design pas aussi nul qu'on l'a dit (grosso mode le petit chaperon rouge et le loup ont fusionné). La mise en scène toujours aussi élégante du réalisateur, sauf dans la séquence d'attaque dans les bois, mérite toujours notre admiration, avec ses fameux plans hyper composés, et son découpage dont le classicisme n'exclut pas des coups de pattes formidables. On est pas près d'oublier la déclaration d'amour des deux protagonistes filmés de dos, avec la nuit à l'arrière plan. Une idée simple, placée la caméra derrière, pour capter leur regard de profil et on obtient une séquence intense, juste légèrement tirée vers le bas par un dialogue sur écrit, un peu lourd. La plus belle séquence, la tentative d'assassinat, est d'une simplicité ahurissante pour un résultat effrayant. Un champ contre champ, un plan subjectif du couteau qui s'enfonce dans le ventre de Joaquin Phoenix, et la tension culmine. Une belle preuve de la croyance du cinéaste dans la grammaire simple de son art. 

  Jusqu'alors, Shyamalan avait entrepris de prendre pour héros des acteurs célèbres pour leur travail dans le cinéma d'action pour les amener à oeuvrer dans un registre intimiste. Certes, le talent d'acteur tout terrain de Mel Gibson n'est plus à prouver, et il ne faut pas oublier que Bruce Willis par son interprétation décalée à modifier à jamais l'image de l'action hero, ainsi qu'il a livré une fort émouvante composition de le sublime L'Armée des douze singes. La direction d'acteurs du réalisateur se reconnaît dans le jeu mesuré, voire effacé qu'il obtient de ses comédiens. Avec le risque du sous-jeu que cela implique. Il suffit de revoir la séquence finale de Signes, et la manière dont Phoenix joue la découverte de la batte de base ball (un retourné mécanique et béat proche du travail d'un acteur dans une mise en place) pour en apercevoir les limites. Ici cela prend une tournure plus gênante. Bryce Dallas Howard, qui par sa transparence allait tirer vers le bas, La Jeune fille de l'eau, n'insuffle aucune présence, ni aucune force particulière à son personnage. Elle est souvent fade, parfois agaçante lors de ses échanges avec Adrien Brody, et seulement touchante lorsque la caméra du cinéaste crée un cadre où sa vulnérabilité est suggérée, en atteste le fameux plan au bord de la route. De même Phoenix ne tire pas spécialement son épingle du jeu. La séquence où une jeune femme vient lui déclarer sa flamme et qu'il reste statique sans rien dire, est drôle au-delà du comique vraisemblablement voulu par l'auteur, on rit sans doute également de voir un acteur aussi raide. Complétant le trio des personnages principaux, Adrien Brody dont on pouvait trouver à la première vision l'interprétation de l'idiot du village too much, se démarque par la générosité de son jeu, pas si outrancier au final, qui s'affirme en contraste avec celui des deux acteurs précités. Il parvient même à rendre son personnage émouvant. Pour le reste, William Hurt, s'impose sans problème dans le rôle du gourou, logique en somme puisqu'il est censé dominer la communauté. 

   Si j'avais rejeté Le Village tout en voyant ses qualités, aujourd'hui je dois avouer que j'aime le film, surtout pour sa thématique, malgré ses défauts. Shyamalan est un grand réalisateur, et sans être son chef d'oeuvre absolu, cet opus, où il démonte ses propres codes, nous manipule pour mieux afin de nous rendre plus méfiants, reste une pièce courageuse parsemée de moments forts. La paranoïa ambiante qui préside au monde actuellement devrait lui assurer une belle pérennité. Hélas pour l'instant le film a marqué le début d'une période difficile dans la carrière du cinéaste. 

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